samedi 11 juillet 2009

Hajime

Action Painting
Prologue : Dévasté par les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, Tokyo est reconstruite très vite et très mal. L'hystérie architecturale culmine dans les années 70-80.
Justifier
Hajime est né en 1974 à Tokyo. Il exècre ces buildings dégénérés et ce qu'ils symbolisent. Ce sont ses grands moulins à lui.
Acte I : Nous sommes à l'Université Hosei. Les locaux fleurent l'insalubrité, mais le lieu demeure propice aux rencontres, à l'échange et à la réflexion. On est en 1992, la bulle immobilière a éclaté et plongé le Japon dans la récession. Le gouvernement se crispe et ouvre les portes des facultés aux entreprises, avant de leur en donner les clés. Désormais, les universités et les grandes compagnies marcheront main dans la main afin d'enrôler le plus rapidement possible "le jeune" dans "le monde de l'entreprise". La fac d'Hosei subit alors un sérieux ravalement, et plus on la nettoie, plus elle pue : on est en train de la sacrifier au tout marchand. Hajime y étudie quelque chose comme les sciences politiques, quand il n'est pas à sillonner les routes du pays. Il décide donc de se mobiliser avec des amis pour enrayer la machine à fabriquer de la viande à trimer*. Le mouvement prend de l'ampleur et s'étend bientôt à tous les campus japonais. S'il a "abouti" à Hosei (l'université ne vit pas aux crochets d'une entreprise), non sans heurt**, il n'en est pas allé de même ailleurs, et aujourd'hui la majorité des universités japonaises s'est pliée aux lois du sacrosaint Marché.
Acte II : Koenji, un quartier populaire de Tokyo, relativement épargné par la gangrène immobilière. Hajime et des amis investissent la rue commerçante de Koenji-Kitanaka. Il sont brocanteurs, cafetiers, coiffeurs, restaurateurs ou fripiers, et ils fondent ensemble La Grande Fronde des Pauvres, un collectif activiste plus connu sous le nom de Révolte des Amateurs***. "Au Japon, tout est payant." Leur but est donc de créer des espaces où les gens puissent vivre modestement, s'amuser sans argent, bref : jouir de leur pauvreté. Ils organisent donc des grandes soupes populaires (nabe) devant des stations de métro, déambulent en ville, un mikoshi**** sur les épaules, pour fustiger les prix exorbitants des loyers, ou investissent les parcs de la ville de jour comme de nuit pour, par exemple, y jouer de la musique - ce qui est formellement interdit. Inutile de dire que chacune de ces actions est sévèrement encadrée par un cordon de policiers mais, mine de rien, elles détonnent et ne manquent pas d'impact dans un pays où manifester quoi que ce soit est rarissime*****. Aussi, une de leurs actions les plus fameuses, parmi tant d'autres, est une action qui n'a pas eu lieu : c'était le soir du réveillon de noël 2004 et ils avaient annoncé à la police que, comme en 2003, des centaines de personnes partageraient la nabe à Roppongi Hills, le quartier le plus "branché" de Tokyo. La police est venue en nombre, pas les convives. En 2007, Hajime s'est présenté aux élections locales, pour s'amuser. Il lui fallait néanmoins recueillir 400 votes pour se faire rembourser les frais de candidature (300 000 yens / 2500 euros environ). A la suite d'une campagne dont le point d'orgue fut un mémorable concert sauvage devant la station de Koenji, Hajime a obtenu ses voix, et cette campagne en forme de performance a fait l'objet d'un documentaire qui tourne depuis un an dans tout le Japon.
Acte III : Les Amateurs organiseront cet été un festival de musique gratuit à Nagano. C'est inédit...
Epilogue : On ne peut réduire le discours des Amateurs à de simples slogans, mais s'il y en avait un, ce pourrait être : « Laissez-nous vivre comme nous l'entendons. ». Hajime a de nouveau sillonné le Japon récemment et y a recueilli les paroles de gens qu'il interroge sur leurs conditions de vie et de travail, sur leurs préoccupations, leurs inquiétudes et leurs espoirs. Une "enquête" qui a fait l'objet d'un bouquin. Il en a sorti 4 pour le moment. Aucun n'est traduit en Français, malheureusement. Hajime est le "patron" de la brocante Shiro No Ran.
* Il fonde alors Hosei No Binbo Kusasa Wo Mamoru Kai (Association to Protect the Poverty of the Hosei University) et Zennihon Binbou Gakusei Rengokai (Japan Poor Student Union) - Source : Wikipedia ** Hajime écopera de 4 mois de prison pour avoir aspergé de peinture le Président de l'Université Hosei *** Shiroto No Ran **** voir le message sur le Torigoe Festival : ici, les Amateurs détournent donc une fête traditionnelle de son sens religieux pour lui donner un sens politique (lors des fêtes traditionnelles, malgré la folie qui règne dans les cortèges, la police n'intervient jamais...) ***** Hajime se voit ainsi régulièrement interviewé par les médias du monde entier (la télé coréenne et le New York Times rien que pour le mois dernier : http://www.nytimes.com/2009/06/30/business/global/30youth.html)

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